#Essentiel

Monsieur le Président de la République,


Cette lettre n’est pas un appel à la détresse, ce mot est bien trop lourd de sens pour que je puisse l’employer ici.

Cette lettre n’est pas un appel à la liberté, cette expression est bien trop importante pour que je puisse la bafouer ici.

Monsieur le Président de la République, cette lettre est un appel à la dignité.


Ce que je souhaite vous exprimer ici, je ne le fais au nom de toute ma profession, je n’ai pas cette prétention. Ce que je souhaite vous exprimer ici, je le fais en mon nom, Dario BASILE, modeste propriétaire d’un établissement de restauration, « Les Philosophes » qui se situe dans la charmante commune de Nordhouse en Alsace.


La crise du COVID-19, je ne la réfute pas et je ne peux exprimer ni de colère ni de mépris envers toutes les décisions difficiles que prend notre gouvernement, je ne peux me permettre ce droit à la critique pour le respect des victimes de notre nation ainsi que celles de nos voisins.

J’ai bien conscience que nos libertés perdues ne le sont que temporairement. L’état français n’a jamais été aussi providence que dans toute son histoire. Ce « quoi qu’il en coûte », je le perçois pour mieux retrouver nos libertés… Plus tard.


Cependant, Monsieur le Président de la République, je sens ma dignité bafouée.

La dignité de ne pas pouvoir travailler, d’exprimer mes ambitions, de récolter les fruits de mes efforts.

La dignité de ne plus pouvoir accueillir, partager et servir.

La dignité de ne plus pouvoir honorer mon serment d’Epicure.


Je la sens encore plus bafouée lorsque, on me demande de me réinventer. Me réinventer en mettant notre savoir-faire et savoir-être dans des petites barquettes pour les remettre à de jeunes français à vélo, honorant leurs contrats plus que précaires dans des conditions inadmissibles. Ce n’est pas une évolution ou une réinvention, mais bien une régression.


J’ai mal à la dignité d’autrui lorsque je vois de nombreux Français se restaurer dans leurs voitures sur les parkings des établissements de restauration où les poubelles débordent de déchets. Je les vois aussi sur des sièges de fortune à l’extérieur, pour qu’ils puissent profiter de leurs petits réconforts de ces longues journées en ces temps de crise.

Sans oublier, nos ouvriers qui contribuent à l’embellissement de notre beau Pays. Ils se restaurent sur le pouce sans pouvoir se refugier des conditions climatiques défavorables.  


Monsieur le Président de la République, nos établissements de restauration sont essentiels.


Ils le sont parce que les Français peuvent y refaire le monde, leur monde.

Ils le sont parce que au sein de ces établissements, les français peuvent exprimer ce grand sentiment qu’est l’amour, célébrer des unions et bien plus encore, célébrer la vie.

Ils le sont parce que ce sont des lieux d’échange. Echange d’opinion, de culture, de tradition. Ce sont des lieux qui permettent le voyage et la découverte. Cette évasion le temps d’un repas si capital pour le bien-être des français.

Mais ce sont aussi des lieux où ils n’existent ni races, ni couleurs où tout le monde peut y franchir les portes, où les mots Liberté, Egalité, Fraternité sont plus que respectés et honorés.

Même pendant les heures les plus sombres, nos établissements étaient ouverts et ils apportaient, refuge, réconfort et lumière.


Monsieur le Président de la République, nous sommes en guerre.


A chaque fois que les ennemis de la nation nous ont frappés, les mots d’ordres de la République étaient ceux-ci :

Nous ne cèderons pas à la peur.


Aujourd’hui, j’ai le sentiment que cette peur de l’ennemi me soit imposée.

J’ai le sentiment de ne plus avoir la dignité d’exprimer que je n’ai pas peur.


Je vous remercie de bien vouloir prendre en considération ma missive et je vous prie d'agréer, Monsieur le Président de la République, l'expression de ma très haute considération.


Dario BASILE

Envoyer Le 09/01/2021 à la Présidence de la République.